FAITS

Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 août 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2018, pourvoi n° 16-18.118), par actes notariés des 31 août 2004 et 5 janvier 2005, la caisse de Crédit mutuel [Localité 4] (la banque) a consenti deux prêts immobiliers à M. et Mme [T] (les emprunteurs).
Ces prêts ont fait l'objet d'avenants conclus sous seing privé les 7 et 16 avril 2010.
Le 18 février 2014, la banque a délivré aux emprunteurs un commandement aux fins d'exécution forcée immobilière, puis a déposé au tribunal d'instance de Metz une requête en vue d'obtenir la vente de leur immeuble par voie d'exécution forcée.
Le tribunal puis la cour d’appel a débouté la banque et jugé que les actes notariés ne valaient pas titres exécutoires, déclarés nuls les commandements.
La banque se pourvoit en cassation au motif que l’article L 111-5,I ° du CPCE demande simplement qu’au jour de la signature de l’acte notarié la créance soit évaluée et le consentement du débiteur recueilli.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION


« Vu l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 :
Aux termes de ce texte, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans le titre à l'exécution forcée immédiate. Il en résulte que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.
Pour rejeter la requête de la banque, l'arrêt constate que les actes notariés de prêt des 31 août 2004 et 5 janvier 2005 ont fait l'objet d'avenants sous seing privé conclus les 7 et 16 avril 2010 qui ont modifié le montant de la somme à rembourser et le nombre de mensualités, puis relève qu'il résulte du commandement aux fins d'exécution forcée immobilière et des tableaux d'amortissement versés aux débats que les créances dont le recouvrement est poursuivi en vertu de ces actes notariés ont été établies en leur montant par référence aux stipulations contractuelles incluses aux avenants précités.
L'arrêt retient ensuite que les modalités de remboursement des actes notariés de prêt ne permettent pas d'évaluer les créances, dont le recouvrement est poursuivi, sur la base d'avenants sous seing privés prévoyant des modalités de remboursement différentes.
Il en conclut que les actes notariés de prêt ne valent pas titres exécutoires au sens de l'article L. 111-5, 1°, précité et que la nullité du commandement délivré le 18 février 2014 est dès lors encourue.
En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les actes notariés de prêt mentionnaient, au jour de leur signature, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement, permettant, au jour d'éventuelles poursuites, l'évaluation des créances à recouvrer et qu'elle retenait qu'il n'y avait pas eu novation par l'effet des avenants, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION


La première décision de la cour régulatrice rendue le 3 octobre 2018 – 16-18118 – avait jugé qu’il n’y a avait pas eu novation en ces termes:
«Vu les articles 1271 et 1273 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la novation, qui peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, ne se présume pas ; que la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte ;
Attendu que, pour déclarer la requête en exécution forcée immobilière recevable, dire que la banque ne bénéficie pas d'un titre exécutoire, annuler le commandement et rejeter la requête, l'arrêt retient que les prêts ont fait l'objet d'avenants qui ne prévoient pas seulement des rééchelonnements mais en réalité la souscription de nouvelles dettes emportant extinction des anciennes de sorte qu'ils constituent une novation et, qu'ayant été conclus par actes sous seing privé et emportant novation des anciens prêts, les affectations hypothécaires notariées qui se réfèrent à des prêts éteints ne peuvent valoir titres exécutoires fondant la mesure d'exécution forcée ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les parties avaient, par ces avenants, entendu opérer une substitution d'obligation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision"
;
Cette décision statue sur la question de savoir si un avenant est susceptible de modifier le caractère exécutoire d’un acte notarié.
L’article L 115-5,1° applicable à l’espèce dispose

«En vertu des dispositions applicables dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, constituent aussi des titres exécutoires :
1° Les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ;»


Pour la Cour de cassation si au jour de la signature le montant du capital et ses modalités de remboursement permettaient l’évaluation des créances à recouvrer cela suffit à en faire un titre exécutoire. Dont acte. La réserve est néanmoins faite de la novation. Un avenant modifiant certains éléments de la créance ne suffit pas à en altérer le caractère exécutoire.

La cour régulatrice avait déjà jugé en ce sens: Cassation civile 2.19 novembre 2020 – 19-12673 – pour un avenant mais par acte notarié voir CA COLMAR 12 e chambre 20 décembre 2018 RG 18/01611 – Pour une réserve de la novation voir Cassation civile 2. 6 mai 2010 – 09-67058 –

On peut être surpris de la solution dans la mesure ou l’avenant, même sans novation, peut modifier de façon sensible la créance. Quoiqu’il en soit la solution semble acquise.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cass. Première Chambre Civile, 23 novembre 2022. Pourvois n° 20-21282/20-21353. Publié au bulletin. LEDB N° 1 JANVIER 2023 PAGE 6.